Autant mes problèmes de vue n'étaient pas perçus par mon entourage et m’isolaient dans la détresse, autant je n'avais pas conscience de ces absences anxiogènes pour mes interlocuteurs, et donc en minimisais les impacts.
C'était un moment de ma vie ou, pour la première fois, je perdais pied, réalisant, sans l'accepter toutefois, une diminution notable de mes capacités. D'un tempérament plutôt indépendant, une éducation ne m'ayant pas prédisposée pour rester femme au foyer avec les enfants (Bien que j'ai beaucoup de respect envers ce rôle que je considère difficile et dévalorisé), je voyais d'un mauvais œil abandonner mes facultés professionnelles pour une pseudo-dépendance dans mon couple, situation pas même envisageable quelques mois auparavant.
Pourtant je lisais sur les visages décontenancés que quelque chose clochait dans les conversations de la bavarde que j'étais. Pire encore le regard inquiet de mes enfants que j'entrainais dans cette vulnérabilité soudaine. Mes proches devenant alarmants, abordant des sujets préoccupants tels que les dangers de la conduite automobile, leurs angoisses devant mes défaillances répétées, j'acceptais alors une consultation avec un neurologue. Ce fut le premier et aussi le dernier consulté, et cela va bientôt faire 20 ans, à croire que nous n'avons jamais vécu sur la même planète eux et moi, il n'y a pas que le courant neuronale qui ne passe pas.
Avant de discuter, s'informer:
Les absences représentent une forme fréquente d'épilepsie et concernent quasiment exclusivement les enfants (jusqu'à la puberté). Elles se manifestent par une perte brusque du contact avec regard vitreux, aréactivité aux stimuli, des phénomènes cloniques (clignement des paupières, spasmes de la face, mâchonnements), parfois toniques (raidissement du tronc) ou végétatifs (perte d'urines, hypersalivation). Dans les absences typiques, la perte de conscience et le retour à la conscience sont brutaux, l'absence durant quelques secondes. Les chutes au sol sont rares. Dans certains cas, l'absence n'est ni précédée de symptômes précurseurs, ni suivie d'un ressenti particulier. Aussi, sans témoignage extérieur, la personne épileptique n'a parfois aucun moyen de savoir qu'elle a fait une crise. Elles sont contemporaines d'une activité EEG (Electro-encéphalogrammes) caractéristique : pointes-ondes de 3Hz, bilatérales, symétriques et synchrones.
Si je n'étais plus une enfants depuis longtemps, les absences typiques collaient avec les symptômes que l'on m'attribuait, hormis les EEG sur lequel on n'a jamais rien trouvé d'anormal, même après un séjour à l’hôpital branchée 24H/24. Pourtant ce professionnel s'entretenait avec mon mari comme si je n'étais pas dans la même pièce, une gamine, inapte à capter leur langage entre hommes avertis, d'un air grave et plein de sollicitude envers celui qui devait vivre seul une situation difficile à gérer. Rien sur les causes probables, si ce n'est un vague surmenage ou défaillance héréditaire, mais suspicion malsaine d'un manque de transparence familiale sur mon enfance. Je n'ai toujours pas pardonné à mon mari d'avoir ainsi douter de moi après une vie commune d'une dizaine d'années, face aux paroles d'un pseudo-scientifique inconnu qui s'écoutait plus parler qu'il ne réfléchissait. Peut-être aurait il pu s'interroger sur l'accident récent?, peut-être aurait il pu s'inquiéter des traitements en cours?, peut-être aurait il pu faire son boulot de professionnel de santé autre qu'une prescription immédiate et systématique de médicaments, promus sans doute par ses collaborateurs des labos amis, peut-être.....Mais non, je me suis retrouvée en deux temps trois mouvements sous la pilule magique qui devait régler mes lacunes soudaines, le Tégrétol (carbamazépine).
Tout le monde, d'un accord tacite, s'y mettait pour me persuader que je déraillais et qu'il me fallait réagir, mes proches inquiets incapables de jugements objectifs. Je percevais alors les prémices de blessures annexes, évincée gentiment des prises de décisions dont j'étais tout de même la première intéressée. J'étais à ce moment là encore trop naïve, n'ayant pas été vraiment confrontée aux manœuvres douteuses d'un monde médical que ma crédulité poussait plutôt à vénérer, je croyais aveuglément à la grande loyauté des représentants d’Hippocrate. De toute évidence je devais accepter ce traitement salvateur et c'est pratiquement convaincue de son intérêt vital que je me soumettais consciencieusement à l'ordonnance de cet éminent neurologue, judicieusement agrémentée d'une pointe de savante humiliation qui réduisait à néant le moindre scepticisme émergeant. J'ai senti que s'il daignait consacrer de son précieux temps pour jeter un œil sur mon cas, il ne fallait pas abuser non plus.
C'est après avoir avalé scrupuleusement plus d'un an de traitement, ne constatant aucune amélioration, voir une détérioration de mon état que j'osais émettre quelques doutes et remettre en question la molécule prescrite. Sur le Vidal on pouvait lire:
-La carbamazépine agit principalement sur les canaux sodiques voltage-dépendants (un peu comme le Fampyra aujourd'hui sur les canaux potassiques on dirait), les autres mécanismes d'action étant PARTIELLEMENT élucidés.
-La carbamazépine n'est pas efficace dans les absences et les crises myocloniques qui peuvent parfois être aggravées. Génial, ais je le droit de m'interroger, docteur?.
-Effets neurologiques indésirables:
Très fréquent : vertiges, ataxie, somnolence, fatigue, agitation, confusion, diplopie, maux de tête…
Fréquent : céphalées, diplopie, troubles de l'accommodation (exemple : vision floue).
Peu fréquent : tremblements, mouvements anormaux (dystonie, dyskinésies buccofaciales) ; nystagmus.
Rare : troubles oculomoteurs, troubles de la parole (exemple : dysarthrie, troubles de l'élocution).
Très rare : syndrome malin des neuroleptiques.
De mieux en mieux, exactement tout ce que je redoutais et tentais d'éliminer avant l'aide traitresse de cette molécule, cherchez l'erreur, ce traitement n'ayant rien d'homéopathique non plus, je vous assure. J'ai extirpé quelques brides d'explications hautaines à mon cher neurologue, il s'agissait d'un traitement au long cours et je ne pouvais juger, moi, toute jeune patiente, la légitimité d'une prescription d'un médecin expérimenté.
Après quelques mois, le rituel taux de tégrétolémie (Tégretol dans le sang) effectué, je décidais de stopper le médicament. Pas question de m'en remettre à mon entourage car, même s'ils constataient l'échec du traitement, ils en espéraient encore les effets. Cette fois-ci il me fallait tester l'effet placebo de cette molécule, non pas sur moi, mais sur mon entourage, voir comment ce traitement agissait sur leur façon d'appréhender la maladie, chacun son tour, pas de raison que la psychologie ne s'étende pas aux proches. Je serai donc la seule à savoir, non pas pour les tromper, mais je voulais analyser la situation avec discernement, sans considérations parasites, mon honnêteté sans faille antérieure ne m'ayant guère aidée. Cela nécessitait donc que j'arrête le traitement sans prévenir quiconque, je me sentais déjà très seule avant ce dilemme et ma priorité était de comprendre avant tout, donc cela ne fut en rien compliqué. J'ai vécu plusieurs mois sans faire d'absence, tout le monde se réjouissait, les autres de voir enfin une efficacité du traitement, et moi de duper mon monde mais surtout ma maladie. Nous apprécions tous ce répit et j'envisageais alors de mettre tout ce petit monde dans la confidence lors de vacances communes.
Malheureusement une rechute vint anéantir cet espoir commun, je partais de nouveau ailleurs en plein débat et revenais comme si de rien n'était, angoissant. C'est lors d'une conversation houleuse que je me suis défendue maladroitement en leur opposant la vérité. Et, dans ce contexte tendu, eux vexés par mon attitude alors jugée irresponsable, moi perdue dans mes contradictions, il m'a fallu retourner vers le neurologue et avouer mon arrêt intempestif. Curieusement, il se montra plus compréhensif et me proposa une autre molécule, la Dépakine. Si celle ci ne me faisait pas de mal, rien de bénéfique non plus et il préféra me remettre sous Tégretol, le LP 400 cette fois (plus fort mais à libération prolongée), un petit faible pour le labo?. Je dégringolais toujours plus et c'est de me retrouver, un soir en rentrant du boulot, dans un champ avec ma voiture sans me rappeler quoi que ce soit, que je réalisais, confortée par tous, qu'il me fallait un psychiatre.
Oui, je l'admet, pas beaucoup d'indices vers Chlamydia P à ce moment de l'histoire, pas beaucoup de traces à suivre, un peu perdue entre deux intersections douteuses, celui des absences et celui de la dépression, patiente j'étais et patiente il fallait que je sois encore un moment.