Le Monde:
La sclérose en plaques (SEP), dont la Journée mondiale est organisée mercredi 26 mai, reste une maladie peu connue du grand public. Certes, les Français ne pensent plus, comme il y a quelques années, que c'est le nom d'un problème de peau.
Selon un sondage IFOP réalisé pour l'Association pour l'aide à la recherche sur la sclérose en plaques (Arsep) - qui deviendra une fondation le 26 mai -, 69 % des personnes interrogées pensent à juste titre que la SEP est une maladie neurologique. Mais les jeunes la connaissent moins bien : 24 % des 18-24 ans pensent que c'est une maladie du sang, 13 % de la peau, et 6 % des voies respiratoires. Pourtant, les jeunes sont les plus directement touchés, l'âge moyen de déclenchement étant de 30 ans.
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Deux traitements pour contenir la maladie
Si la sclérose en plaques ne se guérit pas, des traitements permettent de ralentir, et parfois même de stabiliser son évolution. Elle apparaît sous trois formes : "rémittente" (poussées à intervalles variables), "secondairement progressive" (poussées pendant quelques années puis apparition d'un handicap), ou "progressive d'emblée" (la forme la plus grave). Outre les corticoïdes, il existe aujourd'hui deux traitements principaux : les immunomodulateurs, efficaces pour les formes rémittentes, réduisent de 30 % la fréquence des poussées et semblent réduire le handicap.
Les immunosuppresseurs, plus agressifs, sont prescrits pour une durée courte, dans des formes très inflammatoires.
Il n'existe pas encore de traitement efficace pour les formes progressives d'emblée, mais des études sont en cours. D'autres médicaments par voie orale sont également en préparation.
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La sclérose en plaques touche 80 000 personnes en France, 350 000 en Europe, et environ 2 millions dans le monde. Quatre mille nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.
Maladie inflammatoire du système nerveux central - qui comprend le cerveau et la moelle épinière -, la SEP frappe deux fois plus les femmes que les hommes. Le système immunitaire se trompe de cible en attaquant la myéline, cette gaine protectrice qui permet la transmission rapide de l'influx nerveux du cerveau au reste du corps, ce qui bloque des informations envoyées par le cerveau et entraîne, dans certains cas, un handicap plus ou moins fort.
"Chaque cas est différent, les réactions à la maladie le sont également. Si le diagnostic est sûr, le pronostic est difficile. On a du mal à répondre à la question "Comment je serai dans cinq, dix, quinze ans ?"", explique la neurologue Catherine Lubetzki, présidente du comité scientifique de l'Arsep et coordinatrice d'une équipe de recherche Inserm à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, à Paris.
"Les symptômes sont très variables : une raideur des membres inférieurs, un trouble de la marche, de l'équilibre, des troubles visuels ou de la sensibilité... et une fatigue qui peut être pénalisante", ajoute le professeur Lubetzki. "C'est une maladie dont on ne meurt pas. La mortalité n'est pas très différente de celle de la population normale, elle est en moyenne inférieure de sept à huit ans", précise-t-elle.
"Notre objectif à terme est de parvenir à la guérison", déclare le président de l'Arsep, Arnaud Brunel, qui rappelle que "20 % à 40 % des personnes atteintes présentent une forme bénigne de la maladie et peuvent vivre normalement".
"Avoir une vie sereine", malgré la maladie, c'est ce à quoi s'efforce Annie Serezo, bénévole à l'Arsep depuis plus de vingt ans. "Chaque sclérose en plaques est différente, les souffrances varient. Mais l'important, c'est de jouir de la vie", explique cette femme de 47 ans.
La maladie surgit souvent en pleine fleur de l'âge. "En 1987, j'avais 24 ans et une situation solide : j'étais mariée et ingénieur commercial. Des troubles de la sensibilité (fourmillements) et des pertes d'équilibre se sont manifestés pendant quelques semaines. Mon généraliste m'a dit "Ça va passer". Quand ma vision a baissé, j'ai consulté un neurologue. Le diagnostic de SEP a été posé en 1990. Mes symptômes se sont endormis puis réveillés, et ainsi de suite", raconte Annie Serezo.
Cécile Hernandez-Cervellon, elle, a fait de sa maladie un combat. Elle a publié deux livres aux éditions du Rocher, La Guerre des nerfs (2008, 203 p., 18 euros) et Qu'est-ce qu'elle fait maman ? (2009, 131 p., 13 euros), une lettre ouverte à sa fille âgée de 2 ans et demi. Comme pour toute maladie, l'annonce du diagnostic est souvent un choc. Ce 24 octobre 2002, Cécile Hernandez-Cervellon, âgée de 28 ans, n'arrivait pas à se lever de son lit, ses jambes étaient paralysées. "J'avais l'impression d'être dans un mauvais rêve, se souvient cette ancienne sportive de haut niveau qui travaille dans l'événementiel sportif. Je ne pouvais pas en parler, car en parler, c'était lui octroyer une place dans ma vie. J'appelais la SEP "ma colocataire indésirable"."
Même choc pour Marine (le prénom a été changé) quand apparaissent les premiers symptômes en 1992 à la fin de ses études en psychologie : la jeune femme, alors âgée de 22 ans, a des fourmillements dans la jambe droite. Hospitalisée trois semaines, on lui dit qu'elle a une inflammation de la moelle épinière : "Ça a été un coup de massue", témoigne-t-elle. Deux ans plus tard, elle ne voit plus de l'oeil gauche. Elle consulte un neurologue en 1997, qui pose alors le diagnostic de sclérose en plaques.
Toutes ces femmes racontent leur désir d'enfant et leur grossesse, période bénie pendant laquelle elles sont protégées. "Faites comme votre copine (elle était enceinte)", avait dit la neurologue à Marine à la fin des années 1990. Elle a aujourd'hui trois filles et travaille à plein-temps comme psychologue. "Aujourd'hui, je vais à l'essentiel. J'ai un autre regard sur la vie, raconte, pour sa part, Annie Serezo. J'ai transmis à mes enfants les valeurs de la vie : comme se mettre sous la douche et sentir l'eau sur son corps, se servir de ses mains et couper un steak."
Au prix, souvent, cependant, de certains efforts. "Dans la SEP, il y a le visible, comme les troubles de la marche, que l'on a ou pas, et l'invisible, tels les troubles urinaires, de la sensibilité, de la vision et une grande fatigue, poursuit Mme Serezo. Le matin, il me faut du temps pour que mon corps, alors semblable à du papier kraft, se déplie."