Domyleen Mar 24 Avr 2012 - 0:37
35 heures à l’hôpital : une gigantesque désorganisation
JIM : Quel sort doit être réservé aux petites structures hospitalières (moratoire sur les fermetures, fermetures automatiques en fonction de seuils d’activité, transformation en centre de soins de suite…) ?
Nicolas Sarkozy : Que ce soit par manque de médecins ou par manque de moyens pour investir et rester conforme aux réglementations, une petite structure hospitalière isolée finit en difficulté. Je souhaite que les hôpitaux coopèrent entre eux parce qu’ensemble, en mutualisant leurs moyens, leur équipes, leurs talents, ils sont plus forts et offrent des services de plus grande qualité pour les patients. Malheureusement, un service de chirurgie qui n’a plus d’anesthésistes est contraint de fermer. Si une coopération se met en place avec un hôpital proche qui, lui, a des anesthésistes, ils peuvent mutualiser leurs moyens et ainsi maintenir le service ouvert. L’avenir des petites structures est dans la coopération.
JIM : Comptez-vous revenir sur les 35 heures à l’hôpital ?
Nicolas Sarkozy : Les 35 heures à l’hôpital ont été à l’origine d’une gigantesque désorganisation. Nous avons engagé une réforme interne des établissements, que les professionnels portent au quotidien. C’est grâce à ces efforts que nous avons réduit le déficit des hôpitaux de 65 %.
JIM : Considérez-vous que le paiement au forfait des médecins généralistes, voire des spécialistes, doive encore se développer ?
Nicolas Sarkozy : Je suis pour offrir aux professionnels le choix de leur mode d’exercice et de rémunération. Avec les libéraux, nous avons lancé en 2008 les expérimentations « article 44 » permettant une rémunération au forfait. En parallèle, l’assurance maladie a développé les contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qui poursuivent dans cette voie. La prise en charge des maladies chroniques interroge le modèle du paiement à l’acte. Un paiement au forfait pour ces malades a du sens.
Secteur optionnel : il faut l’essayer avant de le critiquer
JIM : Envisagez-vous des modifications de l’actuel parcours de soins ?
Nicolas Sarkozy : Oui, la place croissante des maladies chroniques nécessite de repenser notre système de santé. Il faut passer d’un système encore trop cloisonné à une médecine de parcours, dans laquelle tous les acteurs travaillent ensemble. C’est l’un des principaux enjeux pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Conformément aux recommandations du Haut Conseil pour l’Assurance-Maladie, des projets pilotes seront mis en place pour mettre en œuvre, sur des pathologies lourdes, une nouvelle manière de travailler de l’ensemble de la chaîne soignante.
JIM : Estimez-vous que le secteur optionnel, tel qu’il se dessine, sera suffisamment attractif pour répondre aux problèmes soulevés par le montant des honoraires librement fixés en secteur 2 ?
Nicolas Sarkozy : Il est inacceptable que des patients soient obligés de renoncer aux soins pour des raisons financières. Nous avons donc engagé une lutte contre les dépassements d’honoraires excessifs qui bloquent l’accès aux soins dans certaines spécialités. L’assurance maladie a été chargée de veiller au respect du « tact et de la mesure », notions qui figurent dans le code de déontologie. Par ailleurs, le secteur optionnel apporte une réponse précise : au moins 30 % de l’activité doit se faire au tarif opposable, les dépassements ne peuvent dépasser 50 % du tarif remboursable et la prise en charge de ceux-ci est obligatoire dans les contrats responsables, qui représentent 90 % des contrats de complémentaire santé. Laissons le système vivre avant de le critiquer.
JIM : Seriez-vous favorable, comme Raymond Barre il y a vingt-cinq ans, à la mise en place d’un ticket modérateur d’ordre public pour les mutuelles (c’est-à-dire une somme que les mutuelles n’auraient pas le droit de rembourser) ?
Nicolas Sarkozy : En respectant depuis deux ans l’ONDAM, ce que jamais un seul gouvernement n’avait fait, nous avons mis le système de santé sur des rails responsables sans cesser pour autant d’investir dans le secteur de la santé. Je ne vois donc pas de raison d’adopter aujourd’hui cette mesure.
Le monopole officinal, garant de la santé publique
JIM : Poursuivrez-vous la politique de déremboursement de certains médicaments ? Et si oui sur quel critère ?
Nicolas Sarkozy : La politique de déremboursement des médicaments dépend de la Haute Autorité de Santé. C’est sur les recommandations de la HAS que nous procédons à des baisses de remboursement ou à des déremboursements. Ce sont des critères médicaux qui doivent s’imposer.
JIM : Etes-vous favorable à une augmentation du nombre de médicaments vendus sans ordonnance ?
Nicolas Sarkozy : Là aussi, ce n’est pas l’Etat qui choisit, ce sont les agences sanitaires compétentes. L’autorisation de mise sur le marché stipule si tel ou tel produit nécessite une prescription médicale.
JIM : Etes-vous favorable à la vente des médicaments sans ordonnance en grande surface ?
Nicolas Sarkozy : Le médicament n’est pas un produit comme les autres : il contient des substances actives qui ont des effets sur l’organisme, et s’il est mal utilisé il peut être dangereux. Il est donc primordial que les médicaments soient tous dispensés en officine, là où les patients peuvent bénéficier des conseils de professionnels de santé expérimentés. J’ajoute que le rôle du pharmacien dans notre système de santé va bien au-delà de la distribution des médicaments. Il joue un rôle d’information, de prévention, d’orientation dans le système de soin. Il est donc tout à fait souhaitable que l’ensemble des médicaments restent distribués dans le circuit des officines afin d’entretenir les occasions de contact entre la population et cette profession de santé spécialisée.
Transferts de compétence : si tout le monde est d’accord, pourquoi ne pas le faire ?
JIM : Etes-vous favorable au maintien d’un Ordre infirmier ?
Nicolas Sarkozy : L’Ordre infirmier a été créé par la Loi. Ce sont aux infirmières et aux infirmiers de le faire vivre. C’est un fait que cet Ordre a eu du mal à trouver sa place. Des erreurs ont été commises. C’est à la profession de s’organiser désormais pour définir la place de cet Ordre dans son activité quotidienne.
JIM : Seriez-vous favorable à des transferts des compétences des médecins vers les infirmiers dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?
Nicolas Sarkozy : La coopération entre professionnels de santé est déjà prévue par la loi. C’est à la Haute Autorité de Santé de vérifier si cette coopération est conforme aux bonnes pratiques et aux ARS de les valider. Le développement des maladies chroniques et les contraintes liées à la démographie médicale justifient que des professionnels, médecins et infirmiers, travaillent pour partager des compétences. Si ce partage est voulu par des professionnels, validé par la HAS et permet des prises en charge plus rapides ou plus efficaces, alors pourquoi ne pas le faire.
JIM : La presse médicale traverse une très grave crise. Envisagez-vous une aide spécifique ?
Nicolas Sarkozy : La presse, qu’elle soit générale ou spécialisée, doit faire sa révolution numérique, comme cela a été le cas pour la musique. J’ai réuni des Etats généraux de la presse écrite pour accompagner très fortement cette mutation. De nombreuses aides ont été prévues à cette occasion. Celles-ci ne peuvent dispenser le secteur de s’adapter au nouveau contexte technologique.
Interview réalisée par Aurélie Haroche