Santé : les promesses infinies des bactéries de l'intestin
Mots clés : bactéries, intestins, flore intestinale, Maladie de Crohn
Par Nathalie Szapiro-Manoukian - le 14/01/2014
Les scientifiques découvrent un nombre croissant de fonctions aux quelque cent mille milliards de bactéries qui peuplent notre tube digestif.
Les quelque cent mille milliards de bactéries qui peuplent notre tube digestif ne sont pas là pour le décor et c'est pourquoi professionnels de la santé et chercheurs s'intéressent de plus en plus à leurs fonctions.
Du fait de leur grand nombre, les chercheurs n'hésitent plus à parler de véritable «organe» à propos du duo, intestin et bactéries. Et s'il a fallu attendre les années 2010 pour qu'ils s'intéressent enfin de très près au microbiote, c'est aussi parce qu'il fallait de nouveaux outils d'analyse (biologie moléculaire) pour faire les liens entre ces cent mille milliards de bactéries, leurs fonctions supposées et leurs implications potentielles dans différentes pathologies. Car les proportions entre les grands groupes bactériens qui forment un microbiote - Bacteroïdetes, Firmicutes, par exemple - peuvent vraiment différer d'une personne à l'autre.
Les premières données ont ainsi commencé à tomber. On sait par exemple que la colonisation du fœtus par les bactéries commence, dans les conditions normales, au moment de la rupture des membranes et surtout lors de l'accouchement par voie naturelle. Cela n'est pas sans conséquence: les enfants nés par césarienne auraient un microbiote différent de ceux nés par voie basse.
Est-ce véritablement un problème ou pas? Il est encore trop tôt pour conclure, même si certaines données suggèrent un lien possible entre les microbiotes de ces bébés nés par césarienne et un risque accru d'obésité à l'âge de 3 ans. Les bactéries pourraient jouer le rôle de récupératrices d'énergie… Énergie ensuite stockée dans l'organisme. «On sait par ailleurs que la flore intestinale se met en place dans les premiers mois de la vie, et sa composition reste relativement stable tout au long de la vie, même si elle peut être modifiée de façon transitoire par l'alimentation, et notamment les régimes riches en résidus fermentés dans le côlon (prébiotiques), par l'ingestion de bactéries vivantes (probiotiques) ou dans le cadre d'une antibiothérapie», poursuit le Pr Laurent Beaugerie (gastro-entérologue, hôpital Saint-Antoine).
Barrière contre les bactéries
L'une des premières fonctions associées à ce microbiote est celle de barrière contre d'autres bactéries plus pathogènes. Et en cas de microbiote défaillant, les risques de développer certaines pathologies semblent accrus: «en gastro-entérologie, une écologie perturbée du microbiote intestinal dès l'enfance (dysbiose) pourrait favoriser la genèse de maladies inflammatoires intestinales - maladie de Crohn et rectocolite hémorragique - mais aussi de certaines formes d'obésité, des troubles fonctionnels de l'intestin, d'atteintes du foie susceptibles d'aboutir à une cirrhose non alcoolique et peut-être de certains cancers du côlon», poursuit le Pr Jean-Christophe Saurin (CHU Lyon).
«Et comme d'autres études suggèrent par ailleurs que les bactéries intestinales pourraient envoyer des signaux au cerveau (et inversement) afin d'induire certains comportements que les chercheurs s'attellent déjà à mieux comprendre, les chercheurs se prennent aussi à rêver de pouvoir un jour traiter certaines pathologies comme l'autisme ou des maladies neurologiques, en agissant entre autres sur le microbiote intestinal», concluent le Pr Laurent Beaugerie et le Dr Harry Sokol (gastro-entérologue à l'hôpital Saint-Antoine et chercheur Inserm et Inra).
Mots clés : bactéries, intestins, flore intestinale, Maladie de Crohn
Par Nathalie Szapiro-Manoukian - le 14/01/2014
Les scientifiques découvrent un nombre croissant de fonctions aux quelque cent mille milliards de bactéries qui peuplent notre tube digestif.
Les quelque cent mille milliards de bactéries qui peuplent notre tube digestif ne sont pas là pour le décor et c'est pourquoi professionnels de la santé et chercheurs s'intéressent de plus en plus à leurs fonctions.
Du fait de leur grand nombre, les chercheurs n'hésitent plus à parler de véritable «organe» à propos du duo, intestin et bactéries. Et s'il a fallu attendre les années 2010 pour qu'ils s'intéressent enfin de très près au microbiote, c'est aussi parce qu'il fallait de nouveaux outils d'analyse (biologie moléculaire) pour faire les liens entre ces cent mille milliards de bactéries, leurs fonctions supposées et leurs implications potentielles dans différentes pathologies. Car les proportions entre les grands groupes bactériens qui forment un microbiote - Bacteroïdetes, Firmicutes, par exemple - peuvent vraiment différer d'une personne à l'autre.
Les premières données ont ainsi commencé à tomber. On sait par exemple que la colonisation du fœtus par les bactéries commence, dans les conditions normales, au moment de la rupture des membranes et surtout lors de l'accouchement par voie naturelle. Cela n'est pas sans conséquence: les enfants nés par césarienne auraient un microbiote différent de ceux nés par voie basse.
Est-ce véritablement un problème ou pas? Il est encore trop tôt pour conclure, même si certaines données suggèrent un lien possible entre les microbiotes de ces bébés nés par césarienne et un risque accru d'obésité à l'âge de 3 ans. Les bactéries pourraient jouer le rôle de récupératrices d'énergie… Énergie ensuite stockée dans l'organisme. «On sait par ailleurs que la flore intestinale se met en place dans les premiers mois de la vie, et sa composition reste relativement stable tout au long de la vie, même si elle peut être modifiée de façon transitoire par l'alimentation, et notamment les régimes riches en résidus fermentés dans le côlon (prébiotiques), par l'ingestion de bactéries vivantes (probiotiques) ou dans le cadre d'une antibiothérapie», poursuit le Pr Laurent Beaugerie (gastro-entérologue, hôpital Saint-Antoine).
Barrière contre les bactéries
L'une des premières fonctions associées à ce microbiote est celle de barrière contre d'autres bactéries plus pathogènes. Et en cas de microbiote défaillant, les risques de développer certaines pathologies semblent accrus: «en gastro-entérologie, une écologie perturbée du microbiote intestinal dès l'enfance (dysbiose) pourrait favoriser la genèse de maladies inflammatoires intestinales - maladie de Crohn et rectocolite hémorragique - mais aussi de certaines formes d'obésité, des troubles fonctionnels de l'intestin, d'atteintes du foie susceptibles d'aboutir à une cirrhose non alcoolique et peut-être de certains cancers du côlon», poursuit le Pr Jean-Christophe Saurin (CHU Lyon).
«Et comme d'autres études suggèrent par ailleurs que les bactéries intestinales pourraient envoyer des signaux au cerveau (et inversement) afin d'induire certains comportements que les chercheurs s'attellent déjà à mieux comprendre, les chercheurs se prennent aussi à rêver de pouvoir un jour traiter certaines pathologies comme l'autisme ou des maladies neurologiques, en agissant entre autres sur le microbiote intestinal», concluent le Pr Laurent Beaugerie et le Dr Harry Sokol (gastro-entérologue à l'hôpital Saint-Antoine et chercheur Inserm et Inra).