Vascularites ...à l'origine de la SEP??
(M. avait posté sur ce sujet "névrite optique"...je n'ai pas retrouvé le fil...)
Vascularites rétiniennes proliférantes et sclérose en plaques
© Masson, Paris, 2003
À propos d'un cas
M.Patte[1]F.N.Rouher[1]D.Vernay[2]J.-C.Delaire[1]F.Bacin[1]
Communication affichée lors du 108e congrès de la SFO en mai 2002.
INTRODUCTION
Les périphlébites rétiniennes peuvent précéder les atteintes neurologiques de la sclérose en plaques, de plusieurs années et constituer, ainsi, le mode de révélation de la maladie. Si ces vascularites, généralement périphériques et de caractère asymptomatique sont retrouvées chez 10 à 35 % des patients atteints de sclérose en plaques, la rétinopathie ischémique proliférante, bilatérale en est, par contre, une complication exceptionnelle.
CAS CLINIQUE
Nous rapportons le cas clinique et angiographique d'une patiente âgée de 28 ans (sans antécédents) qui présente une vascularite rétinienne, proliférante, bilatérale compliquée d'hémorragies intravitréennes récidivantes dans le cadre d'une sclérose en plaques.
Le tableau initial, en mai 1999, est celui d'une occlusion de la veine centrale de la rétine de l'oeil droit dans une forme ischémique, proliférante suivie très rapidement de la survenue d'une hémorragie intravitréenne. L'angiographie à la fluorescéine montre déjà, au tout début, l'importance de la thrombose veineuse et l'étendue des zones ischémiques (fig. 1).
L'acuité visuelle est mesurée à droite, voit bouger la main à 20 centimètres, inférieur à Parinaud 14 et à gauche, 10/10 Parinaud 2.
L'examen clinique général est normal. Le bilan biologique est sans anomalie, notamment les dosages de l'anti-thrombine III, protéine C, anticorps anti-coagulant circulants, anticorps anti-cardiolipides, anticorps anti-phospholipides, anticorps anti-DNA natifs, anticorps anti-nucléaires. Le typage HLA est sans particularité.
Un traitement général par corticoïdes est instauré à la dose de 1 mg par kg et par jour (pendant 1 mois puis une dégression progressive sur quelques semaines) et une photocoagulation au laser est débutée lorsque survient une hémorragie intra-vitréenne dense. Une première vitrectomie est réalisée sur son oeil droit et permet la découverte d'un voile glial néovasculaire qui recouvre la papille et les arcs vasculaires temporaux avec une membrane épi-rétinienne à la surface du pôle postérieur. Une photocoagulation pan-rétinienne est complétée en urgence.
Devant l'absence d'étiologie et devant les seuls facteurs de risque cardiovasculaires connus chez cette jeune patiente (traitement oestro-progestatif et tabac), une IRM cérébrale est pratiquée et met en évidence de multiples zones d'hypersignal en T2 dans la substance blanche bihémisphérique à prédominance péri-ventriculaire, ce qui évoque une affection inflammatoire de la substance blanche et est compatible avec le diagnostic de sclérose en plaques. De même, il existe, un discret hypersignal au niveau des 2 nerfs optiques pouvant correspondre à une neuropathie optique (fig. 2).
Les potentiels évoqués visuels notent un retard de latence de la réponse de l'oeil gauche, compatible avec une névrite optique rétro-bulbaire ancienne.
L'analyse du liquide céphalorachidien révèle une discrète hyperprotéinorachie (0,45 g/l sans hypercytose) avec un pic oligoclonal d'IgG.
Sept mois après l'épisode initial, la patiente consulte en urgence pour baisse d'acuité visuelle de l'oeil droit (liée à une hémorragie intravitréenne) et occlusion des branches veineuses rétiniennes temporale supérieure et inférieure de son oeil gauche avec les mêmes caractéristiques ischémiques et proliférantes que l'oeil controlatéral. L'acuité visuelle de l'oeil droit est mesurée à perception lumineuse seulement contre 10/10 Parinaud 2 à gauche. Un traitement par photocoagulation pan-rétinienne au laser est alors débuté. De nouveau, la patiente bénéficie d'une corticothérapie en bolus de 1 g par jour sur 3 jours puis relayée par une dose d'1 mg/kg/jour, rapidement diminuée et arrêtée (fig. 3).
Un mois plus tard, la patiente bénéficie d'une 2e vitrectomie pour traiter une récidive d'hémorragie intra-vitréenne de l'oeil droit. Sur le plan neurologique, elle présente des paresthésies du membre inférieur droit avec diminution de la force musculaire. Le diagnostic de sclérose en plaques est donc alors retenu et un traitement par Interféron seul est mis en route (fig. 4).
En mars 2000, l'acuité visuelle est mesurée à droite à 9/10 Parinaud 2 et à gauche à 10/10 Parinaud 2. Cinq mois plus tard, une hémorragie intravitréenne sur l'oeil gauche fait pratiquer une cryothérapie pan-rétinienne puis une vitréctomie pour traiter un décollement de rétine tractionnel. Début 2001, l'hémorragie intravitréenne de l'oeil gauche récidive.
Aujourd'hui, au terme d'un suivi de 2 ans et demi, l'acuité visuelle de cette patiente est limitée à droite à 2/10 Parinaud 4 et 5/10 Parinaud 2 à gauche. Il existe, à droite, une uvéite antérieure chronique et cliniquement, le fond d'oeil ainsi que l'angiographie à la fluorescéine objectivent une membrane épirétinienne bilatérale et un oedème maculaire chronique (fig. 5).
DISCUSSION
Si les périphlébites rétiniennes périphériques sont retrouvées, de manière variable selon les auteurs [1],[2],[3],[4],[5], chez 10 à 35 % des patients atteints de sclérose en plaques, elles ne sont symptomatiques (flou visuel intermittent) que chez 1 % d'entre eux environ.
Sur le plan clinique, on peut remarquer un engainement vasculaire avec épaississement de la paroi veineuse mais une diffusion angiographique du produit de contraste n'est observée que dans 15 % des cas environ [5],[6] et l'occlusion vasculaire associée à une néovascularisation préretinienne est rare [7],[8].
La physiopathologie des périphlébites lors de sclérose en plaques demeure inconnue. Certains auteurs ont analysé, histologiquement, après autopsies [2],[3],[6],[9], la rétine de patients atteints. Il existe au niveau des zones de périphlébites, un infiltrat lymphoplasmocytaire autour des veines et à l'intérieur de leur paroi. Lorsqu'il y a une diffusion angiographique du produit de contraste, l'examen anatomopathologique retrouve une rupture de la barrière hémato-rétinienne qui s'apparente à l'atteinte encéphalique de la maladie, siège d'une rupture hémato-encéphalique au niveau de la substance blanche.
Comme il n'y a pas de myéline dans la rétine, il semblerait que le processus pathogénique de la sclérose en plaques fasse appel à une réaction autoimmune contre certains facteurs antigéniques rétiniens qui seraient co-exprimés dans la rétine et dans le système nerveux central.
La plupart des équipes [6],[9] ne constate pas de corrélation entre l'atteinte inflammatoire des veines de la rétine et le degré d'évolution de la sclérose en plaques. Il n'y a pas de relation entre la présence d'une vascularite rétinienne et le caractère actif ou stable de la pathologie neurologique. Ainsi, les périphlébites rétiniennes peuvent précéder le début de la maladie générale et les troubles neurologiques de plusieurs années, ce qui est le cas chez notre patiente [1],[10].
La forme ischémique et proliférante de l'occlusion veineuse centrale rétinienne bilatérale que présente notre patiente est particulièrement sévère sur le plan fonctionnel et anatomique et le pronostic reste réservé d'autant plus que le sujet est jeune.
Ce cas nous rappelle que le diagnostic de sclérose en plaques doit être évoqué devant une vascularite rétinienne des gros troncs veineux, d'autant plus qu'aucune autre étiologie n'est retenue. Toute vascularite rétinienne ischémique doit donc s'accompagner d'un bilan complet biologique, radiologique et neurologique, notamment devant une évolution rapide et grave du tableau. Un traitement adapté par Interféron peut stabiliser le processus pathologique de la maladie au niveau de la rétine et limiter la prolifération des néovaisseaux pré-rétiniens afin de conserver au mieux la fonction visuelle.
CONCLUSION
La sclérose en plaques peut se manifester initialement mais de façon exceptionnelle par une vascularite rétinienne bilatérale, proliférante et sévère, à l'origine d'hémorragies intravitréennes à répétition et de décollement de rétine tractionnel dont le traitement est difficile et de pronostic sombre.
Références
[1] Schmidt S, Wessels L, Augustin A, Klockgether T. Patients with multiple sclerosis and concomitant uveitis/periphlebitis retinae are not distinct from those without intraocular inflammation. J Neurol Sci, 2001;187:49-53.
[2] Vine A. Severe periphlebitis, peripheral retinal ischemia and preretinal neovascularization in patients with multiple sclerosis. Am J Ophthalmol, 1992;113:28-32.
[3] Benett L, Gross J. Anterior granulomatous uveitis as an ophthalmic manifestation of multiple sclerosis. Clin Eye Vis Care,1999;11:207-13.
[4] Rio J, Colin A, Salvador F, Tintore M, Viguera ML, Montalban J, Codina A. Retinal periphlebitis in multiple sclerosis. A prospective study. Neurologia, 1993;8:252-5.
[5] Kerrison JB, Flynn T, Green WR. Retinal pathologic changes in multiple sclerosis. Retina, 1994;14:445-51.
[6] Birch M, Barbosa S, Blumhardt L, O'Brien C, Harding S. Retinal venous sheathing and the blood-retinal barrier in multiple sclerosis. Arch Ophthalmol, 1996;114:34-9.
[7] Ronzani M, Lang GE, Wagner P, Lang GK. Severe occlusive retinal periphlebitis with vitreous hemorrhage in multiple sclerosis. Ger J Ophtalmol, 1995;4:328-31.
[8] Guigui A, Brezin A, Gaudric A, Laroche L, Saraux H. Vitreous hemorrhage and neovascular proliferation in multiple sclerosis. Bull Soc Ophthalmol Fr, 1989;89:501-5.
[9] Armstrong RA. Multiple sclerosis and the eye. Ophthalmic Physiol Optics, 1999;19:32-42.
[10] Biousse V, Trichet C, Bloch-Michel E, Roullet E. Multiple sclerosis associated with uveitis in two large clinic-based series. Neurol, 1999;52:179-81.
http://www.em-consulte.com/article/112579