N-acétylglucosamine et vitamine D3 en projet dans la SEP
Le Quotidien du Médecin 06/06/2011
Dans une avancée majeure, des chercheurs ont découvert comment des facteurs environnementaux (vitamine D3, métabolisme) et génétiques (variants des gènes IL7RA, IL2RA, MGAT1 et CTLA-4) se combinent pour favoriser le développement de la sclérose en plaques (SEP). Ces facteurs convergent pour déréguler une voie finale commune, la N-glycosylation des protéines ; cette dérégulation favorise la SEP par le biais d’une dysfonction des cellules immunes et des cellules cibles (oligodendrocytes et neurones). Ceci suggère des stratégies préventives et thérapeutiques qui seront explorées dans un essai clinique.
DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA SEP est une maladie neurodégénérative auto-immune qui résulterait d’une interaction complexe entre les gènes d’un individu et son environnement (comme la vitamine D3 et le soleil). Cependant, on ignore comment ces facteurs se combinent au niveau moléculaire pour favoriser la maladie.
« Nous avons fait un pas de géant pour comprendre comment ces facteurs interagissent, déclare le Dr Michael Demetriou (Université de Californie à Irvine), ce qui est essentiel pour développer un traitement curateur. »
De précédents travaux chez la souris, menés par l’équipe du Dr Demetriou, montraient qu’un déficit de la N-glycosylation des protéines pouvait engendrer une pathologie de type SEP.
La N-glycosylation est une modification post-traductionnelle des protéines par addition de glucides ; elle est effectuée par réaction enzymatique dans le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi des cellules, et concerne aussi bien les protéines membranaires que les protéines sécrétées.
Les chercheurs avaient constaté que des souris génétiquement déficientes en N-glycosylation (par déficit en enzymes de Golgi Mgat1 et/ou Mgat5) présentent non seulement une hyperactivité des cellules T et une perte du récepteur CTLA-4 qui inhibe l’auto-immunité, mais développent aussi une démyélinisation inflammatoire spontanée et une neurodégénérescence, deux caractéristiques de la SEP. De plus, ces anomalies peuvent rétrocéder grâce à une supplémentation en N-acétylglucosamine, un simple sucre apparenté à la glucosamine.
Dans une étude publiée dans « Nature Communications », l’équipe a évalué la N-glycosylation en étudiant des échantillons sanguins de 13 000 individus caucasiens d’études cas témoin, dont 2 700 patients avec SEP et 9 100 témoins.
Gènes et environnement.
Les checheurs montrent que des facteurs génétiques (variants des gènes IL7RA, IL2RA, MGAT1 et CTLA-4) convergent pour altérer la glycosylation des protéines, qui est modulée par des facteurs environnementaux comme la vitamine D3 (et le soleil) et le métabolisme.
Ainsi, deux variants connus pour élever le risque de SEP, situés dans le récepteur alpha de l’interleukine-7 (IL7RA*C) et dans le récepteur alpha de l’interleukine-2 (IL2RA*T), réduisent la production de l’enzyme Mgat1 et le branchement glycosylé des protéines.
Cet effet est opposé par un variant génétique de l’enzyme MGAT1 (IVaVt-t) et la vitamine D3, qui améliorent le branchement glycosylé et atténuent le risque de SEP en combinaison avec une glycosylation accrue du récepteur CTLA-4 par le variant CTLA-4thr17.
« Nos données suggèrent un mécanisme moléculaire commun dans la SEP, par lequel des effets environnementaux et génétiques entraînent une dysrégulation d’une voie finale commune, la N-glycosylation », concluent les chercheurs.
Cultures tissulaires et souris.
Une baisse de la N-glycosylation pourrait favoriser la SEP à travers une dysfonction des cellules immunes (cellules T et cellules présentant les antigènes) et des cellules cibles (oligodendrocytes et neurones).
Ces données ont des répercussions cliniques.
« La vitamine D3 (apportée par supplément oral ou le soleil) et le supplément N-acétylglucosamine (GlcNAc) sont tous deux capables de renverser les effets négatifs des facteurs de risque génétique humains de la SEP sur la glycosylation des protéines dans les cultures tissulaires, et d’inhiber la pathologie de type SEP chez la souris », explique au « Quotidien » le Dr Demetriou.
« Puisque le déficit en vitamine D3 est connu pour être associé à la SEP, nos résultats confirment que la supplémentation en vitamine D3 pourrait être importante pour prévenir ou traiter la SEP. Nous projetons de conduire un essai clinique évaluant la N-acétylglucosamine (GlcNAc) seule et associée à la vitamine D3. »
Dr VÉRONIQUE NGUYEN
Nature Communications 31 mai 2011, Mkhikian et coll., DOI: 10.1038/ncomms1333