Vu sur "les moutons enragés"
9 janvier 2012
Posté par benjisousMédical et alimentation
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Et si c’était vrai et que la maladie était facile à soigner avant même son apparition?
Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°47 – janvier 2012
Et si la maladie de Parkinson n’était pas une pathologie du cerveau, mais … une maladie infectieuse, qu’un pathogène déclencherait dans les intestins ? Emise depuis une dizaine d’années, cette hypothèse « incroyable » commence à devenir crédible. Or, une infection, ça se soigne !
[…] L’origine de cette maladie neurodégénérative – comme Alzheimer – reste en effet incertaine, ce qui recule d’autant la possibilité d’en venir à bout. Pourtant, il y a moins de dix ans, le chercheur Heiko Braak, anatomiste et professeur à l’université de Francfort, formulait une hypothèse littéralement « incroyable » tellement elle allait à l’encontre de la vision classique de la maladie de parkinson… Selon lui, non seulement la maladie de Parkinson serait la conséquence d’une banale infection par une bactérie ou un virus; mais la dégénérescence des neurones du cerveau ne serait qu’une conséquence ultime d’un long processus amorcé des années auparavant dans les intestins…
Heiko Braak n’est pas un simple amateur. Au début des années 90, c’est lui qui décrivit l’évolution de la maladie d’Alzheimer au niveau cellulaire. Anatomiste, son travail quotidien consiste à examiner des coupes cellulaires de personnes autopsiées. Or, en 2003, il s’aperçoit que certaines personnes ont développé des lésions neuronales typiques de la maladie de Parkinson dans d’autres zones du cerveau que celle où ces lésions sont traditionnellement observées (la « substance noire »), alors même que ces patients n’avaient pas été diagnostiqués malades…
L’idée se forme alors en lui que la maladie pourrait peut-être apparaître en dehors de la substance noire, où elle ne migrerait qu’ensuite, à mesure de son évolution. L’examen attentif d’autres coupes va peu à peu lui confirmer : d’autres neurones du corps humain, ceux situés au niveau des l’intestins, présentent des lésions typiquement parkinsoniennes alors que la substance noire, elle, est indemne. En clair : la maladie est apparue ailleurs que dans le cerveau et avant de frapper celui-ci ! Et voila qui change tout. Car, dès lors, c’est une toute nouvelle vision de la maladie qui surgit : elle pourrait avoir une origine infectieuse, probablement au niveau du tube digestif. La maladie ne serait donc pas une fatalité liée à l’âge ou à la génétique. Et surtout, comme la plupart des infections, il serait possible de la guérir !
[…] Ainsi va dans ce sens l’observation récente d’un cas de régression des symptômes caractéristiques de la maladie de Parkinson à la suite d’un traitement par des antibiotiques visant la bactérie intestinale Clostridium difficile : un homme de 73 ans, diagnostiqué parkinsonien depuis 4 ans, venu se faire soigner pour une constipation chronique dans une clinique spécialisée dans les troubles digestifs à Sydney. « Nous supposions que sa constipation était la conséquence d’une infection intestinale. Après quelques semaines sous antibiotiques, son transit était redevenu normal », raconte Thomas Borody, gastro-entérologue qui l’a soigné. « Mais surtout, la personne qui prenait soin de ce patient à domicile est venue me raconter à quel point les symptômes de sa maladie avaient régressé. L’homme pouvait à nouveau faire des gestes de la vie courante comme s’essuyer avec une serviette ou sortir de la douche ! » Après un an, le malade avait retrouvé une véritable autonomie dans sa vie quotidienne.
Thomas Borody n’étant pas neurologue, il s’en est ouvert auprès de ses collègues spécialistes qui ont confirmé l’amélioration spectaculaire de l’état du malade. Quand d’autres patients se sont présentés avec les mêmes symptômes (la constipation étant un des effets collatéraux les plus fréquents du Parkinson), il fut décidé de suivre au plus près ces malades. A ce jour, ils sont huit à avoir été ainsi traités. Un seul n’a pas répondu au traitement antibiotique. Pour tous les autres, le retour à un transit digestif normal s’est accompagné d’une régression des symptômes de la maladie de Parkinson.
L’observation clinique rejoint donc le postulat de Heiko Braak : quelque chose se trame au niveau des intestins des patients. Pour les neurologues, ce n’est pas absurde, car les intestins sont entourés d’un nombre si grand de neurones (il y en a autant que dans la moelle épinière), qu’ils ont été surnommés le « second cerveau ». Et plusieurs observations récentes renforcent encore cette idée. En 2010, une équipe de médecins français a découvert, en étudiant des biopsies de côlons de parkinsoniens, que les lésions habituellement observées dans le cerveau des malades se retrouvent à l’identique dans les neurones qui entourent l’appareil digestif…
Plus troublant encore, « il semble que les neurones intestinaux soient affectés des années avant le cerveau, et même bien avant les premiers symptômes de la maladie, explique Michael Gershon, le chercheur américain de l’université Columbia à qui l’on doit l’expression de « second cerveau ». Certains font donc l’hypothèse que la maladie de Parkinson se déclare d’abord dans les intestins avant de remonter vers le cerveau » …
A quoi ressemblerait le nouveau scénario de la maladie de Parkinson ? « Le plus probable à mon sens est que tout cela commence par une infection, sans doute d’origine alimentaire » , avance Thomas Borody. « Les bactéries produisent des millions de molécules. Certaines peuvent traverser la barrière intestinale et se retrouver dans le corps humain » . C’est ainsi qu’un composé toxique atteindrait et attaquerait les neurones de l’appareil digestif.
Quelle que soit l’origine de l’infection, la toxine bloquerait la dégradation d’une protéine naturellement présente dans le corps humain, l’alphasynucléine. Chez les malades, cette protéine s’accumule jusqu’à former des structures visibles au microscope, les corps de Loewy, qui seraient la cause de la mort des neurones. Peu à peu ces agrégats de protéines se répandraient dans le système nerveux. Le moteur de cette transmission fait lui aussi l’objet de suppositions…
L’une des plus célèbres et des plus intrigantes est « l’hypothèse prion ». Le découvreur du prion, prix Nobel 1997, Stanley Prusiner, prend cette idée très au sérieux : « Il est possible que l’alphasynucléine soit une protéine prion qui forme des agrégats et se transmet à des cellules saines, propageant la maladie » écrivait-il dès 2009.
L’idée serait donc que la protéine subit un changement, chimique ou de forme tridimensionnelle et que ce soit ce changement, peut-être directement provoqué par l’infection, qui amorce la propagation des agrégats toxiques d’un neurone à l’autre. Lesquels agrégats finiraient par atteindre le cerveau, et notamment la « substance noire »… la perte des neurones entrainant les signes cliniques de la maladie. Le tout pourrait prendre plusieurs dizaines d’années. Le scénario est séduisant mais les zones d’ombre demeurent nombreuses. L’idée d’une infection sera difficile à soutenir tant qu’on n’aura pas trouvé l’agent responsable (bactérie, virus, ou toxine quelconque); le mécanisme de diffusion demeure mystérieux; la séquence des évènements, différente chez certains patients, ne fait pas consensus, etc…
Cependant « Si l’origine digestive se confirmait, nous pourrions détecter la maladie à un stade très précoce grâce aux biopsies déjà pratiquées lors de coloscopies » , estime Nicolas Bouvier, médecin-chercheur à Nantes. « Ce qui permettrait de tester à nouveau un grand nombre de molécules neuroprotectrices sur lesquelles reposaient de grands espoirs, mais qui ont été tous déçus, peut-être parce que les traitements ont été administrés à des stades trop, tardifs de la maladie ».
Dans la clinique de Thomas Borody, ont pense appliquer une technique qui a déjà fait ses preuves pour divers troubles intestinaux : la transplantation fécale. Il s’agit de transmettre la flore intestinale d’une personne saine à une personne malade. « C’est la seule solution pour se débarrasser de certaines bactéries pathogènes, explique Thomas Borody. Avec les traitements antibiotiques, il subsiste toujours des spores qui permettent aux bactéries pathogènes de revenir lorsque l’on arrête le traitement ». Et si cela marchait, cela confirmerait qu’il s’agit bien d’une histoire de bactérie. Bien plus que la validation d’une hypothèse audacieuse, ce serait un véritable changement de paradigme, fertile en perspectives thérapeutiques. Car il autoriserait de rêver à un traitement de la maladie de Parkinson avant même l’apparition des symptômes. Et quitte à rêver, pourquoi ne pas rêver aussi de transposer le concept d’infection à d’autres maladies neurodégénératives (sclérose en plaque, Alzheimer, maladie de Huntington, syndrome de Guillain-Barré) …
Mathieu NOWAK, Sciences et Vie novembre 2011 Repris par Jean GRAVELEAU graveleau.jean2@orange.fr
Source: gp29.net via realnews