Je suis depuis plus d'un an en fauteuil roulant et ma vie s'est progressivement organisée autour de ce nouvel état : ascenseur, SDB, toilettes, grands travaux d'aménagement pour ce qui est de la maison. Mais ce n'est pas la seule urgence. Perte progressive de mon intérêt pour beaucoup de choses et cela n'est pas dû au fauteuil. Quand on n'a plus la santé etc... m'y voici. Finis le tourisme ou les promenades, je ne peux plus conduire, n'arrive pas à vivre aisément la dépendance totale ds laquelle me met mon état, découverte de l'inadéquation totale de l'environnement extérieur à la maison. La moindre sortie demande une telle intendance, une telle organisation et donc un tel courage, une telle volonté.
Mais il n'y a pas que cet état de dépendance ou de passivité à encaisser : la douleur, les spasticités, les chocs électriques consécutifs au moindre choc, endurer tout cela pour durer, parce que ma plus jeune fille a encore besoin de moi ou du semblant de moi qui reste, me semble-t-il. Est-ce que je lui rend vraiment service en la laissant assister à cette déchéance ? Impression de faire durer, d'encaisser indéfiniment pire que prévu, de survivre.
C'est vrai que, désormais, je me donne surtout l'impression de faire durer. La maladie envahissant tout, la vie ou l'envie de vivre se réduisent en moi avec la diminution du périmètre de mes mouvements. A quoi bon cette curiosité qui me menait depuis tjs par le bout du nez quand le moindre mouvement devient douloureux ? J'envisageais la paraplégie, au loin, mais certainement pas tous ces symptômes connexes horribles qui font aussi partie de la SEP. Diminution drastique de mon habileté manuelle (je ne peux plus écrire par exemple), diction parfois erratique, perte du contrôle des sphincters etc... tout n'y est pas encore et, déjà, c'est l'horreur.
Et surtout la douleur, permanente, omniprésente, malgré les antalgiques à des doses énormes. Combien de temps peut-on supporter de vivre dans la douleur ? La maladie va plus vite que je ne parviens à m'habituer aux symptômes successifs qu'elle m'impose. Envisager les soins palliatifs ? Le plus souvent inadaptés à des personnes encore "jeunes". Et puis, la re-définition de mon boulot, boulot auquel je tenais tant, qui participait à la définition de ma personne.
Alors, quand il ne reste plus grand chose, on n'y croit plus , ni qu'un traitement puisse permettre de faire régresser ou au moins réduire l'avancée de ces symptômes, ni que tout ceci pourra encore durer très longtemps. Y croire encore alors que peu de raisons y pousse. Et puis quand même, écrire sur ce forome cette vérité que je ne voulais répandre de peur d'effrayer, mais voilà, comme décrit dans un texte de Wheelchair Kamikaze, l'évolution de la maladie peut devenir horrible assez rapidement (diagnostic définitif en 2007, 1ers symptômes notables en 2005). Plus que prévu. 5 ans de maladie m'ont anéantie. Et alors, dans ces conditions, dans cette situation, que me reste-t-il de mon humanité .