Société Canadienne de la SEP:
À la suite de la couverture médiatique des travaux d’un chercheur italien, le Dr Zamboni, l’hypothèse que ce dernier a émise, voulant qu’une insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique joue un rôle dans la SP, a suscité un vif intérêt. Le Dr Zamboni a avancé 1) que les principales voies de drainage (veines jugulaires internes et veine azygos) du sang du cerveau et de la moelle épinière étaient toujours rétrécies chez les personnes atteintes de SP, mais jamais chez les personnes non atteintes de cette maladie, et 2) que la dilatation de ces veines peut avoir un effet bénéfique.
D’autres chercheurs tentent actuellement de reproduire le plus rapidement possible les résultats obtenus par le Dr Zamboni et de déterminer l’importance de ses observations.
En premier lieu, les chercheurs ont essayé de confirmer la présence d’anomalies veineuses chez les personnes atteintes de SP, puis de comprendre le rôle possible de ces anomalies dans le déclenchement de la maladie.
Le groupe de chercheurs du Neuroimaging Analysis Center (centre d’analyse en neuro-imagerie) de Buffalo vient d’annoncer les résultats préliminaires de son étude effectuée auprès de 500 patients soumis à la technique employée par le Dr Zamboni, soit l’échographie Doppler veineuse des vaisseaux transcrâniens et extracrâniens. L’équipe a l’intention de livrer des résultats détaillés à la réunion de l’académie américaine de neurologie, qui aura lieu à Toronto, à la mi-avril. L’équipe recherchait la présence d’anomalies veineuses chez les personnes atteintes de SP et les témoins (personnes non atteintes de SP) appariés selon l’âge. En se basant sur les critères de diagnostic de l’IVCC élaborés par le Dr Zamboni, ils ont décelé des anomalies chez 55 % des personnes atteintes de SP et chez 26 % des témoins et ont recensé des cas limites (10 % du reste du groupe des personnes atteintes de SP). Ces résultats ne concordent toutefois pas avec ceux du Dr Zamboni selon lesquels des anomalies veineuses étaient présentes chez toutes les personnes atteintes de SP, sans exception, et inexistantes chez les témoins. Il est donc possible que des anomalies veineuses soient associées à la SP ou augmentent le risque d’avoir cette maladie, sans en être la cause, mais cette possibilité n’a pas encore été confirmée. Grâce aux rentrées de fonds pour la recherche qu’a généré l’intérêt des Nord-Américains pour les travaux du Dr Zamboni, d’autres équipes de chercheurs du Canada et des États-Unis envisagent de mener des études sur le sujet ou tentent présentement de déceler la présence d’anomalies veineuses chez les personnes atteintes de SP et d’en déterminer l’importance.
Les résultats de tous ces travaux sont attendus avec impatience car ils permettront de définir la nature exacte du lien possible entre les anomalies veineuses et la SP. De nombreuses questions demeurent toujours sans réponse. À titre d’exemple, entre bien d’autres : Les zones rétrécies sont-elles de véritables occlusions ou simplement le résultat d’une déformation ou d’un élargissement souvent observés dans les veines? Quel rôle pourraient jouer les anomalies veineuses dans la SP? Comment expliquer l’absence de telles anomalies chez un grand nombre de patients si ces dernières contribuent de manière importante au déclenchement de la maladie? Pour quelles raisons certaines personnes porteuses d’anomalies veineuses n’ont pas la SP, comme on l’a constaté chez 26 % des participants à l’étude de Buffalo? Comment se fait-il que des personnes présentant de telles anomalies veineuses à la suite de l’introduction d’un cathéter central dans la veine jugulaire, par exemple, n’aient pas eu la SP, même si cette veine risquait de se bloquer? Comment les quatre types d’anomalies veineuses décrits par le Dr Zamboni peuvent-ils expliquer les innombrables manifestations de la maladie? En quoi ces anomalies seraient-elles liées aux effets connus du taux de vitamine D sur la population à risque de SP? Pour quelles raisons les immunomodulateurs et immunodépresseurs sont-ils efficaces contre la SP si cette maladie est causée par une mauvaise circulation sanguine? Pourquoi observe-t-on des anomalies immunitaires dans le sang et le liquide céphalorachidien des personnes atteintes de SP si le problème est d’origine vasculaire?
Le Dr Zamboni a également livré les résultats d’une petite étude menée auprès de 65 personnes atteintes de SP dont 35 présentaient la forme cyclique (poussées-rémissions) de la maladie et 30, une forme progressive de SP (20 étaient atteintes de la forme progressive secondaire, alors que 10 présentaient la forme progressive primaire). Il a introduit un cathéter à ballonnet dans les veines des participants, puis a dilaté ces dernières en gonflant le ballonnet (veinoplastie). Ses résultats ont été publiés dans le numéro de décembre du Journal of Vascular Surgery. Dans la plupart des cas, la procédure a permis de garder les veines azygos ouvertes, mais chez un patient en particulier, il a fallu implanter une endoprothèse vasculaire pour garder une de ces veines ouverte. On a observé une resténose (réapparition du rétrécissement) de la veine jugulaire interne chez 47 % des personnes traitées, dans les mois suivant l’intervention. La procédure a été répétée dans ces cas. L’implantation d’une endoprothèse n’était pas envisageable dans la veine jugulaire interne, étant donné que les modèles actuels (conçus pour les artères) risquaient, selon le chercheur, de se déplacer et donc d’entraîner des complications qui peuvent menacer la vie du patient.
L’étude n’était ni ouverte, ni comparative, ni a répartition aléatoire. Dans le domaine de la SP, de telles études peuvent aboutir à l’élaboration d’hypothèses, mais peuvent aussi poser des problèmes, comme le Dr Zamboni l’a reconnu dans ses conclusions (soulignant que le protocole de l’étude pouvait fausser les résultats). Néanmoins, il s’agissait d’un point de départ dans l’examen de l’hypothèse avancée. Quant aux résultats de l’étude, mentionnons qu’aucune différence statistiquement significative n’a été relevée dans le taux annualisé des poussées, mais que les patients présentant la forme cyclique (poussées-rémissions) de SP avaient tendance à avoir moins de poussées que durant l’année précédant l’étude (27 % comparativement à 50 %). De plus, une réduction du nombre de lésions rehaussées par le gadolinium, mises en évidence par l’IRM, a été observée chez les personnes atteintes de SP cyclique. Celles-ci déclaraient également que leur qualité de vie s’était améliorée. L’interprétation des résultats a posé certaines difficultés en raison surtout de l’absence d’un groupe témoin dans l’étude. Or l’intégration d’un groupe témoin est essentielle dans la recherche en SP, comme dans la plupart des essais cliniques d’ailleurs, même si ce groupe (qui ne reçoit pas le traitement) montre une amélioration par rapport à l’année précédant l’étude. Et si le traitement est efficace, il doit donner des résultats significatifs, c’est-à-dire supérieurs à ceux du placebo. Par ailleurs, nous ne savons pas quelle définition était donnée à la poussée au cours de l’année précédant l’étude et après le traitement. Il faut savoir que cette définition peut faire varier de manière significative les taux de poussées enregistrés. Qui plus est, les examens IRM n’étaient pas effectués à intervalles réguliers ni avec les mêmes appareils, ce qui rend difficile l’interprétation des données IRM. Ajoutons que la plupart des patients présentant la forme cyclique de SP prenaient un immunomodulateur. Cette précision a été omise dans les récents articles et reportages sur le sujet. En conséquence, il est ardu de déterminer précisément les facteurs à l’origine de la diminution de l’activité de la maladie. La méthode qui fut utilisée pour mesurer l’incapacité est connue pour ses effets attribuables à une répétition des tâches. Or ces effets n’ayant pas été pris en compte dans l’étude, il est impossible de savoir si l’amélioration précoce observée était due à la répétition des tâches ou au traitement lui-même. Malheureusement, les résultats du traitement n’ont pas été très encourageants chez les personnes présentant une forme progressive de SP. En effet, seule une faible amélioration inconstante de la qualité de vie a été constatée.
Dans l’article sur son étude, le Dr Zamboni souligne, en conclusion, que ses résultats justifient la mise en place d’une étude comparative à répartition aléatoire et à double insu sur l’intervention proposée en tant que traitement combiné à un des immunomodulateurs courants, chez les personnes atteintes de SP cyclique. La moitié des participants serait soumise à une veinoplastie, l’autre pas. Les deux groupes seraient ensuite comparés sans que le patient ni le neurologue examinateur ne sache qui a vraiment subi l’intervention. On pourrait ainsi voir si la veinoplastie a donné de meilleurs résultats que le placebo. Les participants à l’étude feraient l’objet d’un suivi rigoureux ayant pour but de révéler tous les risques possibles de l’intervention.
Bien que l’étude du Dr Zamboni n’ait pas révélé d’effets secondaires sérieux, le taux de resténose était passablement élevé. Par ailleurs, selon l’expérience des médecins de Stanford, l’implantation d’une endoprothèse vasculaire comporte des risques importants. En effet, la technique qu’ils ont employée a entraîné un décès et la migration de l’endoprothèse jusqu’au cœur, soit un accident qui a nécessité une intervention chirurgicale d’urgence. Il faudra donc envisager une approche plus sûre. En fait, leur étude a été interrompue en raison de ces graves événements. La recherche prévue sur des interventions potentielles permettra de définir leurs risques. Pour le moment, on s’entend généralement pour dire que la veinoplastie doit être exclusivement réservée aux essais cliniques comparatifs, au même titre que toute nouvelle thérapie proposée.
La plupart des chercheurs tentent, d’une part, de voir si les anomalies mises en évidence par l’IRM altèrent vraiment la circulation sanguine et, d’autre part, de déceler la nature du lien entre ces anomalies et la SP. Pendant ce temps, d’autres mènent déjà des essais cliniques aléatoires dans le but de s’assurer que la veinoplastie est efficace et de trouver le meilleur moyen de garder les veines ouvertes. Les chercheurs de Buffalo ont annoncé la mise sur pied d’un essai du traitement, et d’autres groupes songent à leur emboîter le pas. Ces travaux viseront à révéler les véritables bienfaits de la veinoplastie et à mieux définir les risques associés aux divers modes d’intervention étudiés. Les participants aux premiers essais seront probablement des personnes atteintes de SP cyclique, comme le suggère le Dr Zamboni. Si le traitement a des effets positifs sur elles, je suppose qu’on le mettra à l’épreuve chez les personnes présentant une forme progressive de la maladie, étant donné que l’étude du Dr Zamboni était trop restreinte pour permettre d’en conclure que l’intervention n’a pas été efficace contre les formes progressives de SP.
Pour qu’un traitement soit offert au Canada par les programmes publics de soins de santé, il doit s’être montré efficace dans le cadre d’essais cliniques menés en bonne et due forme.
1) Le traitement doit donner des résultats significativement supérieurs à ceux du placebo (l’étude comporte alors un groupe de personnes traitées qui sera comparé à un groupe de personnes qui croient être traitées).
2) Les avantages potentiels doivent l’emporter sur les risques potentiels.
Les cliniciens et les chercheurs à l’œuvre dans le domaine de la SP ont à cœur de ne rien laisser au hasard dans leurs efforts pour stopper la SP. Le formidable intérêt suscité par l’hypothèse du Dr Zamboni permet de drainer les fonds nécessaires à la vérification de celle-ci. La recherche dans ce domaine a donc toutes les chances d’être effectuée rapidement. Suivez toutes les nouvelles relatives à ce dossier et aux autres domaines de recherche sur le site Web de la Société de la SP.
3/19/2010