Paru sur "le Truc en Plus"
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SEP-Medic
Insuffisance veineuse céphalorachidienne
chronique (IVCC) et sclérose en plaques
Information du Comité scientifique de la Société
suisse de la sclérose en plaques
Dans les échanges entre professionnels comme sur
les forums Internet de malades, l’actualité est dominée
par la question du lien éventuel entre
l’apparition de la sclérose en plaques et une anomalie
du drainage sanguin du cerveau et de la moelle
épinière. Cette discussion fait suite à la publication
des résultats d’une étude menée par un groupe de
travail italien en 2009 (1). Ladite étude a défini
comme syndrome pathologique un phénomène appelé
«insuffisance veineuse céphalorachidienne
chronique» (IVCC) et institutionnalisé le terme qui
est maintenant utilisé dans la littérature spécialisée.
Présentation de l’IVCC
Les auteurs de l’étude supposent que le mécanisme
à l’origine de l’IVCC s’apparente à celui responsable
de l’insuffisance veineuse chronique (IVC) des
membres inférieurs: la stagnation du sang dans les
veines entraîne une altération de la paroi des vaisseaux,
ce qui permet aux globules rouges d’infiltrer
les tissus environnants, où ils se dégradent puis sont
ingérés par des cellules dites macrophages. L’un
des produits issus de ce phagocytage est le fer. Or,
l’augmentation de la teneur en fer des tissus pourrait
être à l’origine d’un processus inflammatoire
chronique.
Les auteurs motivent le lien qu’ils établissent entre
IVCC et sclérose en plaques par la présence de dépôts
ferreux et de macrophages chargés de fer dans
les foyers de SEP ainsi que par la proximité fréquente
de ces foyers avec des veines de petite taille.
Cinq modifications pathologiques du système veineux
ont été retenues comme significatives pour
poser un diagnostic d’IVCC. La mise en évidence
de deux d’entre elles au moins dans le cadre d’un
examen par Doppler (technique à ultrasons) permet
de conclure à une IVCC.
Résultats de l’étude
Dans le cadre de l’étude précitée (1), le groupe de
travail a trouvé une desdites modifications veineuses
chez chacun des 65 patients SEP examinés,
deux chez 48 d’entre eux. Dans le groupe témoin de
personnes saines, seuls 33 des 235 participants
(14%) ont présenté une des modifications, aucun
membre de ce groupe n’en présentait deux ou plus.
En 2009 également, le même groupe de travail a
publié les résultats d’un essai clinique ouvert sur
l’IVCC (2): les 65 patients susmentionnés, chez qui
un rétrécissement (sténose) des veines avait été
constaté selon le protocole établi, se sont vu poser
un ballonnet de dilatation permettant une amélioration
du flux veineux.
Dix-huit mois après l’intervention en moyenne, une
diminution de l’activité de la maladie a pu être
constatée tant au niveau clinique qu’à l’imagerie
chez les participants atteints d’une SEP de forme
rémittente. Chez les patients souffrant d’une SEP
secondairement progressive et progressive
d’emblée, des enquêtes ont permis d’établir une
amélioration de la qualité de vie, qui s’est maintenue
quelques mois. Parmi les effets indésirables, les
auteurs ont fait état d’un pourcentage relativement
élevé de nouvelles sténoses (réapparition de rétréInsuffisance
veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC) et sclérose en plaques
cissements postérieure au traitement), qu’ils estiment
responsables de l’insuffisance de l’effet thérapeutique
constaté chez certains patients.
L’IVCC, une cause parmi d’autres
Une petite étude (3) a été menée par un groupe de
travail de Bochum dans l’optique de confronter ces
résultats apparemment indiscutables. Sans sélection
particulière, 10 malades de la SEP sous traitement
stationnaire ont subi un examen par Doppler du système
veineux selon le protocole établi. 7 personnes
servant de groupe témoin ont également été examinées.
Un des critères révélateurs d’une IVCC a été
trouvé chez 4 des 10 patients atteints de SEP et
chez 1 personne du groupe témoin. Deux malades
ont présenté deux des modifications recherchées.
A elle seule, cette petite étude a ainsi déjà permis
de réfuter l’hypothèse selon laquelle chaque personne
souffrant de SEP présenterait un rétrécissement
mécanique des veines irriguant le cerveau et
la moelle épinière, ce qui signifie que l’IVCC ne
peut être seule responsable de l’apparition de la
SEP.
Il convient de rester très critique vis-à-vis de la
théorie de l’IVCC, de même que des résultats de
l’étude et des conséquences thérapeutiques. L’un
des problèmes majeurs est lié à l’identification des
obstructions des vaisseaux irriguant le cerveau et la
moelle épinière au moyen de la technique du Doppler:
l’expérience et le jugement (subjectif) du spécialiste
menant l’examen ont une forte influence sur
la détection des cinq critères décrits. Or comme il
ne s’agit pas d’un examen de routine, les expériences
et surtout les valeurs de référence font défaut.
L’adoption de certaines positions du corps ou la pose
trop brutale de la sonde sur la veine lors du Doppler
peuvent laisser conclure à un rétrécissement
des veines, qui n’existe pas réellement.
Les théories les plus courantes pour expliquer
l’apparition de la SEP reposent sur l’idée d’un dysfonctionnement
de la barrière hémato-encéphalique,
qui permettrait l’infiltration de cellules immunitaires
auto-réactives dans le tissu cérébral. La proximité
géographique entre les lésions dues à la SEP et
les veinules est, elle, expliquée par le fait que le rôle
de barrière assuré par les veinules est par nature
peu important ainsi que par la lenteur du flux sanguin
dans le système veineux. Il est ainsi concevable
que les sténoses puissent avoir un effet négatif
sur la maladie, mais qu’elles n’en soient pas la cause
primaire. En outre, il est communément admis
que les modifications du système veineux ne surviennent
qu’à un âge avancé ou qu’elles sont
congénitales. Or, c’est entre 20 et 40 ans que la majorité
des patients atteints de SEP déclenchent la
maladie.
On peut donc aujourd’hui rejeter avec certitude
l’hypothèse présentant l’IVCC comme cause unique
de la SEP. Quant à l’influence d’un mauvais
drainage sanguin sur l’évolution de la maladie, elle
fait actuellement l’objet d’autres études.
Pour l’instant, nous déconseillons vivement toute
intervention sur le système veineux dans le cadre
d’un traitement de la SEP. Un élargissement mécanique,
mais plus encore la pose d’endoprothèses
vasculaires (pièces de métal cylindriques mises en
place dans les vaisseaux pour les élargir), peuvent
entraîner de graves complications!
Références
(1) Zamboni P, Galeotti R, Menegatti E [et al.]
(2009). Chronic cerebrospinal venous insufficiency
in patients with multiple sclerosis. J Neurol Neurosurg
Psychiatry 80: 392-399.
(2) Zamboni P, Galeotti R, Menegatti E [et al.]
(2009). A prospective open-label study of endovascular
treatment of chronic cerebrospinal venous insufficency.
J vasc Surg 50: 1348-1358.
(3) Krogias C, Schröder A, Wiendl H, Hohlfeld R,
Gold R (2010). «Chronisch zerebrospinale venöse
Insuffizienz» und Multiple Sklerose. Nervenarzt 81:
vol. 6, juin 2010.
Juin 2010 / Henrik Gensicke, Prof. Dr. méd. Ludwig
Kappos, Bâle